Genèse
L'initiative
visant à la création d'une allliance SIGINT
fut prise par les Américains, en août 1940, lors
d'une rencontre entre Américains et Britanniques, à
Londres. En février 1941, les crypto-analystes américains
envoyèrent en Grande-Bretagne une machine à
décoder (PURPLE). La coopération en matière
de crypto-analyse débuta au printemps 1941.
La
coopération entre services de renseignements fut renforcée
par l'engagement commun des flottes dans l'Atlantique nord,
à l'été 1941. En juin 1941, les Britanniques
réussirent à casser ENIGMA, le code de la marine
allemande. L'entrée en guerre de l'Amérique
renforça encore la coopération SIGINT. En 1942,
des cryptologues américains de la "naval SIGINT
agency" commencèrent à travailler au Royaume-Uni.
La
communication entre les "U-Boot Tracking-Rooms"
de Londres, de Washington, puis, à partir de 1943,
de Ottawa (Canada) devint à ce point étroite
que, selon les participants, elles travaillaient comme une
organisation unique.
L'accord
BRUSA-SIGINT
Le
printemps 1943 vit la signature de l'accord BRUSA-SIGINT ainsi
qu'un échange de personnel. Le contenu de l'accord,
qui concerne notamment le partage du travail, est résumé
dans les trois premiers paragraphes: échange de toute
information provenant de la découverte, de l'identification
et de l'écoute de signaux, ainsi que des algorythmes
des codes et clés de cryptage. Les Américains
étaient compétents pour le Japon; les Britanniques
pour l'Allemagne et l'Italie.
Après
la guerre, c'est surtout la Grande-Bretagne qui préconisa
le maintien d'une alliance SIGINT. Les bases en furent convenues
lors d'une tournée mondiale effectuée, au printemps
1945, par des agents de renseignement britanniques (parmi
lesquels Sir Harry Hinsley, dont les livres sont à
la base de l'article cité). Un des objectifs était
d'envoyer du personnel SIGINT d'Europe dans le Pacifique,
dans le cadre de la guerre contre le Japon.
Dans
ce contexte, il fut convenu avec l'Australie de mettre des
ressources et du personnel (britannique) à la disposition
des services australiens. Le voyage de retour, via la Nouvelle-Zélande
et le Canada, conduisait aux États-Unis.
Le
pacte UKUSA
En
septembre 1945, Truman signa un mémorandum top secret
qui constituait la clef de voûte d'une alliance SIGINT
en temps de paix. Puis Britanniques et Américains ouvrirent
des négociations en vue de la conclusion d'un accord.
De plus, une délégation britannique prit contact
avec les Canadiens et les Australiens, pour discuter d'une
participation éventuelle.
En
février et mars 1946, une conférence SIGINT
anglo-américaine se tint dans le plus grand secret,
pour discuter des détails. Les Britanniques étaient
mandatés par les Canadiens et les Australiens. La conférence
produisit un accord de quelque 25 pages, toujours classifié,
qui arrêtait les détails d'un accord SIGINT entre
les États-Unis et le Commonwealth britannique.
D'autres
négociations eurent lieu au cours des deux années
suivantes, de sorte que le texte final de l'accord dit UKUSA
put être signé en juin 1948 47 .
Pays
contractants
L'
alliance UKUSA a été établie par un accord
secret de 1947, qui regroupait les structures anglaise et
américaine, ainsi que leur personnel et leurs stations.
A cet accord de base furent bientôt ajoutés les
réseaux de trois pays du Commonwealth, le Canada, l'Australie
et la Nouvelle Zélande. Les organisations ainsi rassemblées
sont: le GCHQ anglais, localisé à Cheltenham,
en Grande-Bretagne, le Defense Signal Directorate (DSD) australien,
le Communication Security Establishment (CSE) du Canada, à
Ottawa, et l'organisme néo-zélandais, le Government
Communications Security Bureau (GCSB) à Wellington.
L'accord
UKUSA répartit les équipements, les tâches
et les résultats entre les gouvernements signataires.
Plus
tard, d'autres pays dont la Norvège, le Danemark, l'Allemagne
et la Turquie signèrent les accords SIGINT
secrets avec les États-Unis et devinrent des participants
"tiers" dans le réseau UKUSA.
Modalités
Par
l'accord UKUSA, les cinq signataires prenaient la responsabilitéde
superviser la surveillance en différentes parties du
globe. La zone britannique comprenait l'Afrique et l'Europe,
jusqu'à la chaîne de l'Oural; le Canada prenait
en charge les latitudes nordiques et
les régions polaires; l'Australie couvrait l'Océanie.
L'accord définit les procédures, les cibles,
le matériel et les méthodes de chaque agence.
Les
stations des alliés UKUSA forment un seul réseau
intégré. Chacun répond à un identifiant
unique indiquant sa nationalité d'origine et la technologie
à l'oeuvre pour chaque site. De plus, chaque pays emploie
des officiels gradés comme agents de liaison dans les
quartiers généraux des autres membres.
Les
stations d'interception sont gérées officiellement
par des militaires, qui assurent au moins pour partie ces
interceptions. Ainsi, dans les stations gérées
par les Etats-Unis, par exemple, c'est le Naval Security
Group (ou NAVSECGRU) ou l'Air Intelligence Agency (ou
AIA) ou encore le United States Army Intelligence and Security
Command (ou INSCOM) qui assurent avec la NSA le fonctionnement
des stations. Dans les stations britanniques, il s'agit de
la Royal Air Force en collaboration avec le service
de renseignement britannique (GCHQ). Ces dispositions garantissent
un contrôle militaire strict des installations tout
en permettant d"en camoufler les activités.
Fuites
et dissensions
Jusqu'en
1995, aucun des gouvernements signataires ne reconnut publiquement
la collaboration SIGINT
internationale. Cette année là, le gouvernement
canadien affirma collaborer avec "certains de ses plus
proches et plus anciens alliés pour l'échange
de renseignements extérieurs...". En mars 1999,
le gouvernement australien brisa le rang pour affirmer spécifiquement
et publiquement que le DSD
"coopère effectivement avec des organisations
équivalentes d'espionnage des signaux outre-mer sous
l'égide de l'alliance UKUSA".
Plus
globalement, les changements de gouvernement en Australie
et en Nouvelle-Zélande à la fin des années
90 ont amené une modification des attitudes de ces
deux pays à l'égard du pacte UKUSA. Il n'est
pas sans signification de rappeler que, parmi les premiers
à évoquer le réseau Échelon figurent
des journalistes ou des hommes politiques de ces deux pays.
Ce sont les confidences ou les auditions d'anciens membres
des services de renseignement qui ont permis à ces
journalistes de mieux comprendre comment fonctionnait le réseau
et quelles étaient les cibles des écoutes.
Certes,
les tensions entre partenaires sont concevables en raison,
non seulement des différences dans les capacités,
voire de la disproportion de leurs capacités, mais
du fait du rôle de la NSA qui centralise l'ensemble
des données collectées et les redistribue, donc
les filtre.
Le
cas du Royaume-Uni reste cependant à part dans la mesure
où seul ce pays dispose des capacités qui lui
permettent d'analyser les documents et d'instaurer avec les
États-Unis des relations « moins inégales
» qu'avec les autres membres du pacte.
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