Les éléments relatés ci-dessus
sont globalement de deux types. D'un côté des
actions militaro diplomatiques, répondant à
la mission américaine de défense du monde libre.
De l'autre des actions économico financières
justifiées par le mauvais comportement des concurrents
américains. Les " révélations "
tiennent ainsi plus de l'opération de marketing que
du scoop !
Ainsi,
les épisodes les plus intéressants sont en fait
ceux pour lesquels nous avons le moins de détails car
ils relèvent quant à eux réellement de
l'espionnage pure et simple.
Notons
que, selon les américains, la communauté du
renseignement a toujours fait du renseignement économique
pour trois raisons : suivi des biens à double usage,
respect des sanctions économiques et utilisation de
méthodes frauduleuses de la part d'entreprises ou de
gouvernements étrangers. Il n'a jamais été
question de recueillir des secrets technologiques au profit
d'entreprises américaines.
Pour
résumé, à Washington, on répète
qu'il n'est pas question d'espionner pour Chrysler ou Exxon,
que cela nuirait à la libre concurrence. Mais on ajoute
que les services secrets peuvent aider les compagnies américaines
dans un cas : pour dénoncer les pots-de-vin qui permettent
à des firmes étrangères d'obtenir des
gros contrats aux dépens de firmes américaines.
1950-60:
Opération Shamrock
Durant
les années 50, les compagnies de télégraphe
américaines, la Western Union en particulier, remettaient
tous les soirs à un officier de l'agence une copie
de l'ensemble du trafic qui entrait aux Etats-Unis ou en sortait.
Cette
activité a resta complètement inconnue pendant
30 ans, jusqu'à ce que des enquêtes soient diligentées
autour de laffaire du Watergate. Le 8 août 1975,
le directeur de la NSA, le Lieutenant Général
Lew Allen admet au « Pike Committes » que «
la NSA intercepte systématiquement toutes les communications
internationales, quelles soient aériennes ou
par le câble »
Légalement,
les législateurs américains considèrent
de telles opérations comme étant anticonstitutionnelles.
En 1976, le département de la Justice se livre à
une étude sur les possibles « criminal offences
» de la NSA.
Mais,
selon un proche de la NSA, " le patriotisme et l'intérêt
bien compris font céder n'importe quelle entreprise
sollicitée par la NSA, explique un ancien de la maison.
C'est pourquoi je suis sûr que le nouveau réseau
mondial de téléphonie mobile, Iridium,[ndlr.
ayant fait faillite depuis] qui permet de téléphoner
de n'importe où, est déjà sous la coupe
de la NSA. Pourquoi ? Parce que les deux promoteurs principaux
de l'entreprise sont de très importants fournisseurs
de l'agence, qui, je vous le rappelle, dispose d'un budget
d'au moins 50 milliards de francs... "
1986:
Berlin-Ouest
En
1986, deux soldats américains étaient tués
dans l'explosion d'une discothèque à Berlin-Ouest.
L'attentat n'a pas été revendiqué.
Pourtant
l'Etat commanditaire, la Libye, a été immédiatement
identifié par les Etats-Unis : la NSA avait intercepté
et décrypté les communications entre les ambassades
de Tripoli à Berlin-Est et Rome. En effet, quelques
minutes après l'explosion, un membre des services secrets
de Kadhafi disait : " L'opération a bien eu lieu.
Elle n'a pas laissé de traces. "
Quelques
jours après, Reagan autorisait le bombardement de la
capitale libyenne.
1990:
Koweït
En
juillet 1990, les satellites Keyhole ont vu le déploiement
des troupes irakiennes à la frontière du Koweït.
Le 27, six jours avant l'invasion, les capteurs infrarouges
ont même repéré les camions militaires
transportant de l'eau, du gasoil et des munitions.
1991:
Ex-URSS
Le
lundi 19 août 1991, à Moscou, ulcérés
par la décomposition de l'empire soviétique,
les chef du KGB et de l'Armée rouge prennent le pouvoir
au Kremlin. Ils prétendent que Mikhaïl Gorbatchev
est soudainement tombé " malade ", qu'il
est " incapable " de diriger le pays et qu'il se
repose dans sa datcha en Crimée.
George
Bush fait une première déclaration ambiguë,
dans laquelle il ne condamne pas les putschistes. Le directeur
de la CIA vient de lui montrer les photos du satellite espion
qui suit tous les faits et gestes de Gorbatchev : ce dernier
est en réalité prisonnier dans sa maison, il
lui est impossible de rentrer à Moscou. Le nouveau
pouvoir va peut-être réussir à s'installer.
Bush veut ménager l'avenir.
Quelques
heures plus tard, le ton change radicalement : Bush dénonce
violemment le pronunciamiento et refuse de reconnaître
les usurpateurs du Kremlin.
Entre
les deux déclarations, la NSA lui a fait parvenir un
nouveau rapport: elle a intercepté et décodé
toutes les discussions téléphoniques entre les
chefs rebelles. Ils y apparaissent divisés, peu sûrs
d'eux. Plus grave : les commandants régionaux de l'armée
soviétique ne les suivent pas, la plupart refusent
même de répondre à leurs appels téléphoniques.
Avant
tout le monde, Bush sait donc que le coup d'Etat ne réussira
probablement pas.
1992-98:
Lopez
La
NSA découvre la trahison d'un dirigeant de General
Motors, Lopez, qui a vendu à Volkswagen d'importants
secrets commerciaux. Comment ? Un ancien de l'agence explique
: " La NSA suit avec beaucoup d'attention tous les mouvements
de fonds dans les banques suisses. Un jour, elle a découvert
que ce Lopez cherchait à placer une fortune. Rien de
plus simple, alors, que de remonter au généreux
donateur, Volkswagen. "
La
NSA a ainsi intercepté, par le biais de la station
de Bad Aibling une vidéo conférence entre le
directeur de VW, F. Piëch et Lopez. Les éléments
de celle-ci sont transmis à General Motors et à
Opel. Les charges sont suffisantes pour que le ministère
public ouvre une enquête.
L'enquête
révèle que Lopez et trois de ces collaborateurs
transmirent des documents et des données des secteurs
de la recherche, de la planification, de la fabrication et
des achats (concrètement, il s'agit de documents relatifs
à une usine en Espagne, d'informations relatives au
coût des différents modèles, d'études
de projets, de stratégies d'achat et d'économies).
En
1998, l'action en justice est suspendue. Intervient alors
un règlement à l'amiable entre les deux groupes.
Lopez démissionne de ses fonctions de directeur de
VW en 1996 ; il verse 100 millions de $ à GM/Opel (prétendus
frais d'avocats) et achète durant 7 ans des pièces
de rechange pour un total de 1 milliard de dollars.
1993:
Négociations du GATT
En
1993, les participants français aux négociations
du GATT sont tous espionnés et mis sur écoute.
Jean
Guisnel, journaliste au Point et auteur de Guerres
dans le cyberespace, indique d'ailleurs que la NSA
a percé les conversations du gouvernement français
à propos du Gatt (General Agreement on Tariffs and
Trade).
Les
négociateurs, parmi lesquels Alain Juppé, alors
ministre des Affaires étrangères, conversaient
régulièrement avec leur cabinet parisien depuis
des avions militaires Falcon sans que leurs communications
soient cryptées
Ce
type d'espionnage est d'ailleurs institutionnalisé
: au département du Commerce, existe un l'0ffice of
Executive Support qui fait le lien entre les négociateurs
et les agences de renseignement - plusieurs membres de la
CIA et de la NSA en font partie.
1993:
Srebrenica
En
juillet 1995, les Keyhole ont vu les massacres de Srebrenica,
mais la Maison-Blanche n'a pas bougé.
1994-95:
Airbus
Dans
le cadre d'un contrat d'achat d'avions de 6 milliards de $
entre Airbus et la compagnie d'Arabie Saoudite, la NSA a intercepté
les fax et les communications téléphoniques
- transitant par satellites de communications - entre les
deux partenaires. Les informations ainsi collectées
sont transmises à Boeing et Mc Donell-Douglas. Ce dernier
obtient le marché.
Au
passage, aurait été mis au jour une manoeuvre
de corruption d'Airbus ( pots de vin à des membres
de la commission chargé d'attribué le marché)
qui empêcha le consortium européen de dénoncer
ce procédé et/ou qui justifia l'action des américains
au regard du comportement déloyal des européens.
1994-96:
Enercon
L'ingénieur
A. Wobben, de la société Enercon GmbH, met au
point une éolienne de haute technologie pour la production
d'électricité. La NSA prend connaissance de
ses travaux et les transmet à une entreprise américaine,
Kenetech, qui s'empresse de déposer les brevets relatifs
à cette découverte.
Finalement,
Enercon obtiendra justice mail le mal est fait : ses ambitions
de pénétration du marché américain
sont à jamais anéanties. Le préjudice
s'éléve à plusieurs millions de DM.
1994:
Thomson-CSF
En
1994, la NSA a intercepté des appels téléphoniques
entre Thomson-CSF et le Brésil pour le projet SIVAM,
un système de surveillance de la Forêt Amazonienne
de 1,3 milliards de USD.
Thomson
était - bien entendu - soupçonné d'avoir
"acheté les membres stratégiques du gouvernement
Brésilien". Conclusion, le contrat fut remporté
par Raytheon Corporation qui annonça peu de temps après
: "le Département du Commerce Américain
a travaillé durement pour soutenir l'industrie US dans
ce projet". Au passage, la société Raytheon
assure la maintenance et l'ingénierie de la station
de Sugar Grove.
Pourtant,
en novembre 1995, quelque temps après cet épisode,
la presse brésilienne publiait des transcriptions d'écoutes
téléphoniques, probablement réalisées
par la NSA, mettant en cause les tentatives de corruption
d'un officiel brésilien par... Raytheon.
Ainsi,
la NSA aurait informé la Maison-Blanche du montant
des dessous-de-table versés par l'entreprise française
à des responsables brésiliens, et Bill Clinton
serait personnellement intervenu - selon quelles modalités
- auprès de Brasilia pour retourner la situation.
Signalons
tout de même qu' au cours de la seule année 1998,
Thomson-CSF et Raytheon se sont alliés pour remporter
trois contrats : équipements radio pour la Royal Air
Force, sonars pour l'US Navy et radars pour l'armée
helvétique. D'ailleurs un « rapprochement »
avec Raytheon est évoqué par le P-DG de Thomson-CSF,
Denis Ranque, dans un entretien publié dans Monde du
3 février 2000; fin juin, la revue confidentielle Defense
News s'est montrée plus précise : citant des
sources proche de Raytheon, elle évoque la création
d'une joint-venture dans les radars hautement stratégiques
De
plus, depuis le début de l'année 200, un certain
Lord Roger Norman Freeman, 57 ans, fait partie du conseil
d'administration de Thomson-CSF. Et ce, suite au rachat d'une
société de défense d'Irlande du Nord
qu'il dirigeait, Short Missile Systems. Or la notice biographique
de Lord Roger précise qu'il était « ministre
Defence procurement du gouvernement britannique entre 1994
et 1995 ». Le fait que ce haut fonctionnaire de Sa Majesté
occupait ce poste au moment de l'affaire Sivam reste bien
entendu pure coïncidence.
1995
: Voitures de luxe japonaises
Le
Washington Post
a révélé qu'en 1995 l'envoyé de
Bill Clinton au Japon, Mickey Kantor, avait bénéficié
de l'aide de la NSA lors de discussions très serrées
avec Tokyo sur les quotas d'importation de voitures.
L'information
portait sur les normes d'émissions des voitures japonaises.
La barrières des normes est, rappelons-le, un grand
classiques des négociations économiques internationales.
Mars
2003: Résolution de l'ONUS contre l'Irak
Selon
l'hebdomadaire
dominical britannique The
Observer qui a obtenu un mémorandum
en date 31 janvier 2003, la NSA se livre à des interceptions
à l'encontre des délégations du Conseil
de Sécurité de l'ONU dans le cadre des efforts
des Etats-Unis pour rallier les indécis - Angola, Cameroun,
Chili, Mexique, Guinée et Pakistan - avant le vote
sur une deuxième résolution concernant l'Irak.
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