L'affaire
Crypto AG
Des
années 40 à nos jours, la NSA a cherché
par tous les moyens à saper l'efficacité des
systèmes de cryptographie fabriqués et utilisés
en Europe. L' une de ses cibles les plus importantes fut Crypto
AG, sociét suisse devenue un des principaux fournisseurs
de système de codage et de cryptages après le
Seconde Guerre Mondiale.
La
NSA s'arrangea pour trafiquer les systèmes de cryptage
vendus par Crypto AG afin de pouvoir lire le flux de messages
diplomatiques et militaires codés de plus de 130 pays.
L'intervention
de la NSA se fit par l'intermédiaire du propriétaire-fondateur
de la compagnie, Boris Hagelin, et consista en visites périodiques
de "consultants" américains travaillant pour
la NSA.
Nora
L. Mackabee, une employée à plein temps de la
NSA, était du nombre. Un journal américain se
procura des copies de documents confidentiels de Crypto AG,
lesquels mentionnaient "la présence de Mme Mackabee
à une série de discussion sur la conception
d'une nouvelle machine de Crypto AG en 1975".
Le
but de ces interventions était de s'assurer que le
système de codage paraisse sûr aux autres cryptologues,
sans l'être pour autant. La solution de la NSA fut de
concevoir la machine de façon à ce qu'elle livre
la clef utilisée (choisie par l'utilisateur de la machine
et donc inconnue de tous) lors de l'interception du message!
De plus , pour éviter que cela ne soit trop transparent
aux utilisateurs avertis, il fallait que la clef soit envoyée
en code; un code différent et uniquement connu de la
NSA.
Ainsi,
lors de chaque interception d'un message émanant de
ces machines, la NSA commençait par lire sa propre
partie, codée, du message (les hilfsinformationen)
afin d'en extraire le cléf utilisée par la cible
et de lire le message.
L'affaire
Swisscom-Verestar
L'affaire
Le
18 novembre 2000, la presse hélvetique révéla
que, le 4 octobre de la même année, Swisscom
a vendu à une société américaine
- Verestar - des antennes paraboliques de Loèche, en
Valais, et de sept autres stations à Genève,
Bâle et Zurich. Cette compagnie américaine serait
liée à la NSA ; le risque existerait donc que
la Suisse puisse être espionnée grâce à
aux installations qu'elle a elle-même construites, ou
qu'elle serve de base à ce type d'activités.
Or,
un accord signé le 20 mars prévoyait que toute
vente importante effectuée par Swisscom soit précédée
d'un feu vert de la Confédération: Swisscom
doit soumettre pour approbation tout contrat pouvant remettre
en question "l'intérêt public et la politique
de sécurité". Pourtant, la société
n'aurait jamais informé les militaires de la vente
des antennes de Loèche.
Pour
Verestar, qui se présente comme un spécialiste
de "la transmission de la voix et de données ainsi
que des services internet à l'intention du Gouvernement
américain et des navires de croisière",
l'acquisition des antennes de Loèche est "un premier
point d'ancrage en Europe" et permettra "de faire
la liaison avec tous les satellites situés au-dessus
de l'océan Indien", a affirmé lors de l'achat
Alan Box, vice-président et directeur général
de Verestar.
Les
liens troubles de Verestar
Verestar
est un provider spécialiste de l'internet et de la
communication sans fil. Cette filiale d'American Tower Corporation
(Boston, Massachusetts) - qui possède quant à
elle 10 300 relais terrestres de communications électroniques
- ne semble pas directement connectée, de prime abord,
avec les activités d'écoute des services secrets
américains.
Pourtant,
Verestar a acquis, ces dernières années, plusieurs
stations terriennes de transmission par satellite (SNAP).
C'est un de ces SNAP qu'elle a acheté à Swisscom
à Loèche. Elle en possède maintenant
une dizaine dans le monde. Verestar gère également
160 stations de plus petite taille, dont sept achetées
à Swisscom, à Bâle, Zurich et Genève.
La seule
collaboration avouée entre Verestar et le Gouvernement
américain est un contrat liant sa division des télécommunications
maritimes et la marine américaine, l'US Navy. Elle
lui fournit des services téléphoniques pour
déployer sa flotte. Contactée pour commenter
ses affaires avec la marine américaine et ses achats
à Swisscom, Verestar, basée à Fairfax
(Virginie), n'a pas retourné nos appels.
Plus intéressant,
Verestar fournit des connections directes à des hubs
majeurs de communication internet, les Metropolitan Area Ethernets
(MAE). Dans un récent rapport intitulé "Capacités
d'interception 2000", le Parlement européen a
pointé le doigt sur ces MAE et sur d'autres sites internet
comme étant les "oreilles indiscrètes"
de la National Security Agency (NSA) sur l'internet.
Enfin,
Verestar travaille aussi pour IUS Navy, via son Maritime
Telecommunications Network (MTN).
Pour un
ancien haut fonctionnaire du Gouvernement américain,
le contrat entre Verestar et Swisscom pourrait démontrer
que la NSA a décidé d'outsourcer certaines de
ses activités à des compagnies privées.
Il assimile ces opérations à une sorte de "privatisation
des renseignements électroniques". Sous l'appellation
"opération Groundbreaker", la NSA
a déjà délégué nombre de
ses activités "non critiques" au secteur
privé. Elle anticipe ainsi sa privatisation qui devrait
commencer en juillet 2001.
Epilogue
Finalement,
dans un communiqué du 14 décembre, Swisscom
annonce :
"le
secteur Broadcasting (BCS), qui emploie environ 200 personnes
et possède des émetteurs et des réémetteurs
sur plus de 400 sites, restera la propriété
de Swisscom. L'activité spécialisée
de Broadcasting continuera à se développer
dans le cadre d'une filiale. Rappelons qu'elle représente
aujourd'hui moins de 2% du chiffre d'affaires du groupe
Swisscom".
Pourtant,
le 10 février 2001, à Washington, un cadre de
la société Swisscom a affirmé au correspondant
du Monde du Renseignement que la NSA était vivement
intervenue en faveur de cet achat, estimé à
100 millions de francs suisses. LAgence souhaitait disposer
de contacts privilégiés avec lopérateur
de ces stations satellitaires.
Les activités
de Swisscom A.G. à Loeche présentaient plusieurs
intérêts stratégiques. En effet, les satellites
de communication (de type Intelsat) possèdent un nombre
variable de canaux. Chaque canal peut acheminer des centaines
de com-munications (voix et données). Jusquà
maintenant, en fonction de la participation financière
des pays, on attribuait aux opérateurs nationaux un
nombre de canaux précis, couvrant des zones géographiques
déterminées.
Ainsi,
Swisscom, via son centre de Loeche, gérait notamment
une grande partie du trafic des communications par satellite
entre lEurope et la région de locéan
Indien, mais aussi entre lEurope et certaines zones
du Moyen-Orient.
Le
projet Statos 3
La
Confédération développe son propre système
de surveillance grâce à des antennes similaires
à Loèche dans le cadre du projet Satos 3, destiné
à prévenir "les menaces liées à
la technologie, au terrorisme et à la prolifération
nucléaire".
Il
s'agit d'un projet initié dans les années 1990
par Peter Regli, l'ancien chef des services secrets mis à
pied après l'affaire Dino Bellasi. Il vise à
doter la Suisse de son propre système d'écoute
des satellites de télécommunication. Un système
identique à celui d'Echelon, mais en modèle
réduit. Les antennes nécessaires, qui proviennent
de Grande-Bretagne (!), seront installées à
Loèche (VS), juste à côté de celles
de Verestar, à Zimmerwald et à Heimenschwand
(BE). Pour un montant estimé entre 50 et 100 millions
de francs. Officiellement, il ne sera utiliser que pour des
écoutes à l'extérieur des frontières,
puisque la législation en la matière a été
durcie en Suisse.
Dans
les faits, rien n'empêcherait pourtant Satos 3 de rejoindre
le réseau Echelon, même si Adolf Ogi, chef de
la défense (DDPS), a toujours assuré qu'il n'y
aurait pas de collaboration avec des pays étrangers.
Selon
Duncan Campbell, Satos 3 pourrait être un des nouveaux
maillons d'Echelon.
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