Échelon On Line

Connaître le réseau Échelon

http://www.echelon-online.fr.st

 

AVERTISSEMENT

Ce document provient du site du Monde. Il date du 7 février 2003.

 

Comment semer la zizanie à Washington, avec un AK-47 et un peu de cocaïne

Jacques Isnard

Le professeur Christopher Simpson, de l'American University de New York, pouvait-il se douter que la National Security Agency (NSA), la plus grande agence de renseignement des Etats-Unis, s'irriterait de ses propos révélant quelques-uns des mots-clés grâce auxquels le réseau d'espionnage Echelon écoute la planète entière ? Ses indiscrétions, en tout cas, ont eu de redoutables effets, qui expliquent la colère des responsables de la NSA, une agence fédérale que dirige le général Michaël Haydon depuis Fort George Meade, dans le Maryland, et qui emploie 38000 personnes à travers le monde, aux Etats-Unis, bien sûr, mais aussi au Canada, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande, pour s'en tenir aux sites principaux.

Selon un spécialiste de l'espionnage, Jacques Baud, la NSA contrôle une vraie « multinationale » du renseignement, baptisée Echelon, « qui a fait éclater la notion traditionnelle d'écoutes téléphoniques ». Ce réseau peut intercepter l'ensemble des transmissions et transferts de données (fax, e-mail, telex, téléphone) qui transitent par le moyen des satellites de communication dans le monde et dont le contenu est conservé sous forme de bibliothèques informatiques. Une cinquantaine de puissants ordinateurs, du type Super-Cray, traitent et analysent en temps utile les informations ainsi recueillies, en se servant d'un dictionnaire, distribué aux agents d'exploitation dans les stations, qui contient des mots-clés permettant à un logiciel spécial, dénommé Oratory, d'aller repérer automatiquement le message intéressant dans la galaxie des communications interceptées.

Echelon ramène, dit-on, chaque demi-journée, l'équivalent en information de toute la bibliothèque du Congrès américain, soit 1 000 milliards de bits. Les mots-clés, une fois identifiés, servent à sélectionner dans les messages l'information de nature diplomatique, économique, militaire ou autre, voire privée, qui est censée intéresser le gouvernement fédéral. Le professeur Simpson a livré quelques-uns de ces mots-clés. « AK-47 » (l'autre nom du fusil d'assaut Kalachnikov), « Cocaïne », « Stinger » (du nom du missile antiaérien portable), « TWA 800 » (l'identification du vol du Boeing qui a explosé au-dessus de l'Atlantique en 1996), « Militia », « Davidian » (le surnom de la secte de Waco en 1993) ou « Vince Foster » (un ami de Bill Clinton travaillant à la Maison Blanche qui s'est donné la mort en 1993) constituent autant de mots-clés qui permettent aux ordinateurs de la NSA de gagner du temps, dès qu'ils sont détectés dans la traque des messages qui auraient un rapport, par exemple, avec le commerce des armes, le trafic de la drogue, des actes de terrorisme ou avec de mystérieux « proches » de M. Clinton.

Depuis, et c'est ce qui explique la colère de la NSA, ces mots-clés sont repris par des services secrets étrangers, des chancelleries ou par des particuliers « internautes » qui en émaillent systématiquement leurs communications ou leurs conversations. Avec cet espoir – jubilatoire – de saturer les ordinateurs de la NSA, de prendre à son propre piège tout le réseau américain d'espionnage et de perturber, en les noyant sous les messages à décrypter, le travail des analystes attachés à Echelon. Plus qu'un jeu, sans doute, c'est un moyen utilisé pour déclencher inutilement l'interception, le tri et l'exploitation du renseignement ainsi réuni. Nul ne doute que la NSA cherche déjà à inventer la parade à cette « cyberwar ».

 

Imprimer le document
Fermer cette fenêtre