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AVERTISSEMENT

Ce document vient du site Opération Fiat-Lux; c'est un des grands classiques quand on parle du Réseau Echelon et de l'action des américains en la matière.

"Pourquoi nous espionnons nos alliés"

par James Woolsey, ancien directeur de la CIA 1993-1995

(Washington Post du 17 mars 2000)

" A quoi rime cette agitation au sujet d'Echelon et des Etats-Unis espionnant les industries européennes ? Nous commencerons par un peu de franchise du côté américain. Oui, chers amis du continent européen, nous vous avons espionnés. Et il est vrai que nous utilisons des ordinateurs pour trier les données grâce à des mots clés. Vous êtes-vous posé la question de savoir ce que nous cherchons ?

Le récent rapport au Parlement européen sur Echelon, écrit par le journaliste britannique Duncan Campbell, a déclenché de furieuses accusations, en provenance de l'Europe continentale, selon lesquelles les services de renseignement américains volent les technologies avancées des compagnies européennes pour que nous puissions - notez-le - les donner aux compagnies américaines pour les aider à rester compétitives. Mes amis européens, redescendez sur terre. C'est vrai, dans une poignée de domaines, la technologie européenne surpasse l'américaine, mais, pour le dire aussi aimablement que possible, ces domaines sont en très, très, très petit nombre. La plupart des technologies européennes ne méritent pas que nous les volions.

Pourquoi, donc, vous avons-nous espionnés ? La réponse se trouve dans le rapport Campbell, dans l'analyse des deux seuls cas où il est dit que des compagnies européennes auraient été les cibles de la collecte américaine de renseignements. A propos de Thomson-CSF, le rapport indique : " la compagnie était largement suspectée d'avoir corrompu des membres du comité de sélection du gouvernement brésilien. " D'Airbus, il dit que nous avons pu prouver que " ses agents offraient des pots-de-vin à un officiel saoudien. " Ces faits sont systématiquement omis dans les articles de presse européens.

Eh oui, chers amis continentaux, nous vous avons espionnés parce que vous distribuez des pots-de-vin. Les produits de vos compagnies sont souvent plus coûteux, moins avancés sur le plan technologique, ou les deux à la fois, que ceux de vos concurrents américains. En conséquence de quoi vous pratiquez beaucoup la corruption. Vos gouvernements sont tellement complices que dans plusieurs pays européens les pots-de-vin sont encore déductibles des impôts.

Lorsque nous vous avons pris la main dans le sac, nous n'avons pas dit un mot aux compagnies américaines qui étaient vos concurrents. Nous sommes allés, au contraire, voir les gouvernements que vous soudoyez pour prévenir les officiels que nous ne prenions pas cette corruption à la légère. Ils réagissent souvent en accordant tout ou partie du contrat à l'offre la plus méritoire (parfois américaine, parfois non). Cela vous choque, crée parfois des tensions entre vos corrupteurs et les corrompus des autres pays, et devient à l'occasion un scandale public. Nous adorons cela.

Pourquoi faites-vous usage de la corruption ? Ce n'est pas parce que vos compagnies sont fondamentalement plus corrompues. Ni parce que votre technologie est moins bonne. C'est parce que votre saint-patron économique est Jean-Baptiste Colbert, quand le nôtre est Adam Smith. En dépit de quelques récentes réformes, vos gouvernements dominent encore largement votre économie, ce qui fait que vous éprouvez des difficultés plus grandes que nous à innover, à encourager la mobilité du travail, à réduire les coûts, à attirer le capital vers les secteurs économiques les plus prometteurs et à vous adapter rapidement aux évolutions de l'environnement. Vous préféreriez ne pas avoir à affronter la difficulté du changement qui vous éloignerait du dirigisme. Il est tellement plus facile de continuer à verser des pots-de-vin.

La Central Intelligence Agency collecte d'autres renseignements d'ordre économique, mais dans leur vaste majorité ce ne sont pas des secrets volés. iI y a quatre ans, la Commission Aspin-Brown a montré qu'environ 95 % des informations des Etats-Unis provenaient de sources ouvertes.

Le rapport Campbell décrit une sinistre rencontre à Washington où -j'en frémis !- du personnel de la CIA est présent et où les participants -tenez-vous bien- " identifient les contrats majeurs ouverts à proposition " en Indonésie.

M. Campbell, je suppose, imagine quelque chose comme ceci : un espion malin sort à pas feutrés d'une maison sûre, change de tenue, vérifie qu'il n'est pas sous surveillance, se coordonne avec un satellite espion et... achète un journal indonésien. Si vous autres Européens croyez réellement que nous allons jusqu'à l'absurde pour obtenir des informations disponibles de manière publique, pourquoi ne vous moquez-vous pas de nous au lieu de vous montrer offensés ?

Quels sont les secrets économiques, au-delà des tentatives de corruption, que nous avons voulu obtenir par l'espionnage ? Il s'agit par exemple des tentatives de certaines sociétés de masquer le transfert de technologies à usage dual. Nous suivons de près les ventes de super-ordinateurs et de certains produits chimiques, car ils peuvent être utilisés non seulement pour des objectifs commerciaux mais aussi pour produire des armes de destruction massive. Un autre concerne les activités économiques dans les pays soumis à des sanctions - l'activité bancaire serbe, le trafic de pétrole irakien.

Mais collectons-nous, ou même trions-nous des renseignements secrets au bénéfice de compagnies américaines spécifiques ? Même M. Campbell admet que nous ne le faisons pas, bien qu'il ne réussisse à le formuler qu'à l'aide d'une double négation : " En général, ce n'est pas incorrect. " La Commission Aspin-Brown était plus explicite : " Les agences de renseignement américaines n'ont pas pour mission de s'engager dans "l'espionnage industriel" - c'est-à-dire d'obtenir des secrets industriels et commerciaux pour le compte d'une ou de plusieurs compagnies des Etats-Unis. "

Le gouvernement français est en train de former une commission pour enquêter sur tout cela. J'espère que les enquêteurs viendront à Washington. Nous devrions organiser deux séminaires à leur intention. L'un aurait pour sujet notre Foreign Corrupt Practice Act et comment nous l'utilisons, assez efficacement, pour décourager les compagnies des Etats-Unis de corrompre des gouvernements étrangers. Le second aborderait la question de savoir pourquoi Adam Smith est un meilleur guide que Colbert pour les économies du XXIe siècle. Puis nous pourrions parler d'espionnage industriel, et nos visiteurs pourraient nous expliquer, s'ils réussissent à garder leur sérieux, qu'ils ne le pratiquent pas. La prochaine commission s'intéressera-t-elle au manque de politesse des maîtres d'hôtel américains ?

Européens, soyez sérieux. Cessez de nous critiquer et réformez vos propres politiques économiques étatiques. Vos entreprises deviendront plus efficaces et innovantes, elles n'auront alors plus besoin de la corruption pour faire face à la concurrence.

Et nous, nous n'aurons plus besoin de vous espionner . "

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